« Notre famille politique a perdu l’habitude de vouloir exercer le pouvoir. » – Revue Charles

« Notre famille politique a perdu l’habitude de vouloir exercer le pouvoir. » – Revue Charles

Propos recueillis par Mathilde Giraud – Portraits Julie Rochereau

Vous êtes petit-fils de militant communiste et maire d’un ancien bastion PCF, Drancy. Est-ce que cet héritage a joué un rôle dans votre parcours politique ?

J’étais moi-même déjà engagé quand j’ai appris que mon grand-père avait été militant communiste. Il a cessé d’adhérer quand il a compris que cette machine fonctionnait plus pour la satisfaction des dirigeants que pour les gens qu’elle était censée défendre. Vivre dans une ville communiste a sans doute joué un rôle dans ma répulsion à refuser d’écouter l’autre. Le communisme est un enfermement intellectuel où, dans la dialectique utilisée, on refuse d’entendre ce que l’autre a à dire et la façon dont il pense. C’est une espèce de mécanique implacable qui apporte toujours les mêmes réponses, dans le même sens, sans prendre en comptes les évolutions. Je trouvais cette approche de la politique caricaturale.

À 16 ans, vous envoyez une lettre à Raymond Barre, ancien Premier ministre. Qu’est-ce que vous souhaitiez lui adresser comme message ?
Raymond Barre est le seul qui me semblait à la fois responsable et réaliste, après la défaite de Valéry Giscard d’Estaing. Mitterrand et le nouveau gouvernement s’étaient lancés dans une politique qui voulait changer la vie des gens en niant toutes formes de réalités de la vie. Barre disait des choses censées, sans les excès de Chirac qui était à l’époque anti-européen et de plus en plus libéral. Barre était quelqu’un qui affirmait avec détermination qu’on ne pouvait pas distribuer plus de richesses qu’on en produisait – c’était alors le début de l’endettement de la France dont on paye les conséquences aujourd’hui – et en même temps que l’objectif de l’économie était de créer de la richesse. Je ne me rappelle plus ce que je lui ai écrit, mais j’avais lu son livre Réflexions pour demain, publié en 1984. J’ai rejoint ensuite le Réseau réel, pour contribuer à préparer l’élection présidentielle de 1988.

Vous êtes, depuis 2014, président de l’UDI. Vous faites partie de cette famille centriste, cet espace politique assez obscur, souvent caricaturé. Quelle est votre définition du centre ?
C’est le refus de concevoir des réponses politiques avec des a priori. Le seul a priori chez un centriste, c’est : « Je ne vais pas répondre à la question en fonction de la personne qui me la pose, je vais le faire en fonction du problème lui-même. » Ce n’est pas un mode de lecture automatique. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de corpus et de ligne, mais que les choses sont adaptables. C’est une grande prise en compte de la réalité, de ce qu’on voudrait que le monde soit. Contrairement à ce que les gens pensent, ce n’est pas un peu de droite et un peu de gauche. Le centrisme est basé sur deux valeurs : le fédéralisme et l’humanisme. Le fédéralisme considère que la construction sociale fonctionne mieux de façon ascendante. En partant d’un ensemble réduit qui s’associe dans un ensemble plus grand. C’est la commune qui a besoin d’une région, la région qui a besoin de la nation, la nation qui a besoin du continent européen.

Concernant l’humanisme, c’est un principe plutôt consensuel, l’ensemble de la classe politique s’y réfère aisément…
Oui, mais c’est une imposture ! Ils volent une idée de notre famille politique. L’humanisme considère que le groupe social auquel vous appartenez sera plus important que vous-même. L’humanisme considère que les règles sociales doivent d’abord être centrées sur la capacité qu’on donne à chacun à se développer et donc à se tourner ensuite vers les autres. La personne ne peut pas s’épanouir si on ne prend pas en compte qu’elle fait partie d’une communauté. Je suis citoyen de ma ville, je suis acteur de ma région, de ma nation. Et je fais partie d’un continent, qui doit défendre son mode de vie, sa civilisation face aux autres.

On parle généralement du centre droit et du centre gauche. Pour vous, y a-t-il un centre ou plusieurs centres ?
Je pense qu’il existe un centre droit, mais qu’il n’existe pas vraiment de centre gauche. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de personnes de gauche centristes. Je vais reprendre la formule de François Mitterrand qui disait : « Un centriste est quelqu’un qui n’est ni de gauche, ni de gauche. » La réalité c’est que quand un centriste se dit à gauche, la gauche lui demande d’abord d’être de gauche et pas d’être centriste. Ce qui n’est pas le cas à droite. Ils ont adopté une tactique différente : à la création de l’UMP, en 2002, ils ont même voulu faire croire qu’ils étaient la droite et le centre, alors qu’en réalité ils ne sont que la droite ! Ils ont essayé d’absorber, mais pas de nier. À gauche, on dit « je suis de gauche », c’est une expression, une tonalité particulière, que je trouve toujours touchante, mais un peu ridicule. Ce qui ne veut pas dire que les radicaux de gauche ne sont pas du centre. La seule différence c’est qu’ils ont adopté l’alliance avec les communistes et que leurs circonscriptions sont plutôt de tradition de gauche. Le Parti radical de gauche est de gauche mais a été frappé par le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, qui a été construit contre le centre. De Gaulle a interdit la tripartition de la vie politique, en la fracturant en deux.

Obtenir l’intégralité de l’interview sur le site de la revue Charles